À la veille de l'arrivée des premiers concurrents du Vendée Globe 2024, nous avons demandé à Antoine Mermod, président de la classe IMOCA, de faire un premier bilan de cette édition. Un bilan légèrement prématuré, mais très positif pour la Classe IMOCA !
Voile Magazine : Avec 6 abandons à ce jour sur 40 bateaux en course, est-ce un bon résultat ?
Antoine Mermod : Il est important de noter que la course est loin d'être terminée ! De nombreux bateaux sont encore dans l'Atlantique Sud, donc il est difficile de faire un bilan final. Cependant, en regardant la situation actuelle avec l'arrivée du premier bateau, la fiabilité globale de la flotte est bonne. Il n'y a pas eu de problèmes majeurs.
Voile Magazine : Le pourcentage d'abandons techniques est-il une chose sur laquelle vous vous concentrez à l'IMOCA ?
Antoine Mermod : Notre mesure de succès est d'avoir le plus grand nombre possible de bateaux qui terminent la course, avec le taux d'abandon le plus faible possible. La complexité technique des bateaux ne doit pas entraver les skippers, mais leur fournir les moyens de saisir leur chance de manière compétitive dans cette course. Six abandons jusqu'à présent, c'est effectivement un bon chiffre, ne nous leurrons pas...
Voile Magazine : À quoi attribuez-vous cela ? Aux exigences de qualification pré-Vendée Globe ?
Antoine Mermod : C'est une combinaison de facteurs. Les skippers se sont très bien préparés, et les équipes ont préparé les bateaux avec minutie. La plupart de ces équipes ont commencé à participer à des courses deux saisons avant le départ du Vendée, dans le cadre du circuit que nous avons établi.
Ces courses pré-Vendée Globe ont mis tout le monde à l'épreuve, aidé à « déboguer » les bateaux. Pour les skippers, c'était l'occasion de comprendre la difficulté et le niveau de compétition d'une course autour du monde. C'est une course extraordinaire, l'Everest de la course au large, nécessitant un niveau de préparation extraordinaire.
Voile Magazine : Malgré les quelques abandons et problèmes constatés, quelles seraient, selon vous, les faiblesses cette année ?
Antoine Mermod : Nous avons constaté des problèmes avec les hooks... C'était déjà le cas en 2020. Les hooks sont des pièces complexes, petites mais très techniques, avec de nombreux composants, soumises à des charges considérables.
En termes de contraintes mécaniques, nous opérons à la limite supérieure, surtout compte tenu de la fatigue que ces pièces subissent. Par conséquent, certaines voiles sont tombées. Cependant, il faut rester prudent et ne pas tirer de conclusions avant d'avoir tous les détails, car cela pourrait être dû à divers problèmes comme des voiles mal accrochées ou des systèmes cassés. Une analyse minutieuse est donc nécessaire.
Voile Magazine : Apparemment, les voiles J2 ont également souffert de manière significative ?
Antoine Mermod : Oui, en effet, les voiles J2 sont également un sujet de discussion ! Elles sont fixées sur un étai et ne peuvent pas être abaissées. Seul Boris Herrmann dispose d'un système spécial qui lui permet d'abaisser sa J2 pour des réparations...
Voile Magazine : Avoir un mât qui tombe sur seulement 40 bateaux est une bonne statistique, non ?
Antoine Mermod : Touchons du bois. Nous en reparlerons dans quelques semaines ; la course n'est pas encore terminée, mais oui, jusqu'à présent, cela se passe bien.
Voile Magazine : Car, en fait, ce mât standard n'a pas beaucoup évolué ces dernières années ?
Antoine Mermod : Les IMOCA foilers sont arrivés, mais les mâts sont restés. Cependant, nous avons renforcé ces mâts l'année dernière. Nous avons ajouté des patchs à tous les cadènes et renforcé divers éléments de gréement, entre autres modifications.
Quoi qu'il en soit, les mâts subissent plus de contraintes, opérant à la limite supérieure de la zone verte, voire entrant dans la zone orange pour certains ! Nous reconnaissons que nous sommes proches de la limite. C'est pourquoi, pour le prochain cycle menant au Vendée Globe 2028, nous aurons un nouveau mât 20 % plus solide que l'actuel.
Voile Magazine : Cela couvre le bilan des bateaux et des aspects techniques. À un moment donné, il pourrait y avoir un bilan humain et médical. L'IMOCA envisage-t-il les répercussions potentielles d'un Vendée Globe sur les marins ? Trois mois de chocs, de vibrations...
Antoine Mermod : Oui et non. Non, car les médecins de course surveillent cela au quotidien. Cependant, nous sommes responsables des bateaux et du programme de préparation. Donc, si nous identifions des problèmes ou des conséquences humaines, peut-être devons-nous envisager d'adapter la réglementation pour y répondre...
Voile Magazine : Le port du casque est-il obligatoire ?
Antoine Mermod : Le port du casque à bord est obligatoire, mais c'est au skipper de décider quand et comment le porter.
Voile Magazine : Concernant l'écologie et l'impact des bateaux sur l'environnement, je sais que vous avez fait beaucoup de travail. Qu'en est-il à venir? Et les bateaux IMOCA en bois qui arrivent ?
Antoine Mermod : Au cours des quatre dernières années, douze bateaux ont été construits. Nous avons réalisé une Analyse du Cycle de Vie (ACV) pour chaque bateau en utilisant le même logiciel et la même équipe. Cela nous a permis d'établir une méthode de mesure fiable et d'atteindre un certain niveau de maturité sur le sujet.
Sur cette base, nous avons fixé un objectif pour la génération 2028 de bateaux : émettre 15 % de CO2 en moins en optimisant tous les secteurs de construction, y compris les moules et les foils. Nous voyons déjà l'impact de ce défi CO2 sur les nouveaux projets, les formes de pont, les méthodes de fabrication des moules et les matériaux utilisés. C'est très tangible.
Quant aux bateaux en bois, nous sommes en contact avec Gilles Plessis depuis longtemps. Il est expérimenté et pose les bonnes questions, loin d'un projet fantaisiste. Cependant, ce n'est pas un bateau entièrement en bois ; il inclut encore du carbone.